mardi 26 février 2013

Article paru dans Mediapart du 25 février

Article paru dans Mediapart.fr


Rentrée scolaire 2013 : où sont passés les postes ?

PAR LUCIE DELAPORTE
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 25 FÉVRIER 2013

L’annonce a fait l’effet d’une douche froide. En
Seine-Saint-Denis, de nombreux collèges en zone
d’éducation prioritaire ont appris ces jours-ci que
leur dotation horaire globale (DHG), qui détermine
les postes et les effectifs par classe pour la rentrée
prochaine, était soit en stagnation soit en baisse.
Une claque après une année scolaire déjà très
chaotique dans ce département marqué par cinq ans de
suppressions de postes. Au vu des dotations horaires
annoncées, la rentrée 2013 s’annonce ici tout aussi
difficile dans certains établissements que la rentrée
2012, préparée par la droite.

Au collège Henri-Barbusse de Saint-Denis, après
une grève le vendredi 15 février, les enseignants
rejoints par quelques parents ont décidé d’occuper
leur collège dans la nuit de mercredi à jeudi dernier.
« Comment se fait-il que les moyens accordés à
notre établissement, un des plus touchés par les
inégalités, continuent de diminuer, comme sous la
droite, alors que le ministre Vincent Peillon a annoncé
une augmentation des budgets ? » s’interroge Jérôme
Martin, professeur de français. Il s’étonne que du
côté du rectorat les mêmes méthodes que sous le
gouvernement précédent aient cours. « Les effectifs
des élèves pour notre collège, comme depuis trois ans,
sont à nouveau sous-estimés », dénonce-t-il, chiffres
à l’appui pour les trois dernières années. Un procédé
commode pour ne pas ouvrir de postes d’enseignant,
dont ont usé et abusé les rectorats ces dernières années.
Occupation du collège Henri-Barbusse de Saint-Denis.

Même incompréhension au collège République de
Bobigny, le conseil d’administration où devait être
avalisée la dotation horaire a été boycotté par les
représentants des personnels, des parents d’élèves
mais aussi ceux du conseil général et de la ville.
Dans cet établissement, quatre postes sont supprimés
alors que les effectifs augmentent. « On nous impose
des heures sup pour ne pas avoir à créer de postes
», affirme une enseignante du collège, décrivant là
encore un mode de gestion dans la continuité des
années Sarkozy. Statutairement, les enseignants ne
peuvent refuser une heure supplémentaire si elle leur
est proposée. Ces dernières années, pour faire face aux
suppressions de postes, les rectorats ont bien souvent
utilisé ce levier et semblent bien décidés à continuer
de le faire.

Au collège Politzer de Montreuil, classé « RRS »,
et donc prioritaire, la dotation horaire est là aussi
stable et le nombre d’heures sup augmente pour les
mêmes raisons. Surtout, les effectifs calculés au plus
juste « oublient » la vingtaine d’élèves de classes
d’accueil, ces élèves non-francophones appelés à
rejoindre une classe “classique” en cours d’année.
« Ils ne pourront être intégrés, les classes étant
déjà surchargées », s'inquiète Charlotte Ballay-Dally,
enseignante d’anglais syndiquée à Sud-Éducation.
Une grève très suivie a donc eu lieu vendredi.
Mais où sont donc passés les postes promis ?
Cette année, à travers deux concours – un
dispositif exceptionnel pour faire face à l’urgence –,
43 500 recrutements sont pourtant prévus. La
moitié correspond aux départs en retraite, l’autre–
l’équivalent des quelque 21 000 postes recrutés lors
du deuxième concours – sera en formation alternée
(6 heures en classe et 12 heures en formation). Soit
un tiers seulement d’équivalent temps plein devant
les élèves à la rentrée prochaine, avec un statut de
contractuel payé à mi-temps.
Trop peu pour combler les immenses besoins sur cette
académie. « On reste dans une gestion de la pénurie
», regrette Clément Dirson, co-secrétaire général du
Snes Créteil. « Si l’on regarde le nombre d’heures par
élève, il est rigoureusement identique à l’an dernier »
– une année noire après les 80 000 suppressions de
postes en cinq ans. Au collège Politzer de Montreuil,
comme dans d’autres établissements, il est même en
baisse. « En terme de moyens, on revient à la situation
de 2011 mais avec 3 000 élèves de plus », affirme ce
responsable du Snes.
Alors que le ministre a annoncé dimanche soir sur
BFMTV de très bons chiffres sur le taux d’inscrits au
deuxième concours (138 000 inscrits contre 94 300 à
la session précédente soit une hausse de 46 %, une
véritable inversion de la tendance après des années
de baisse), le manque de changements concrets pour
ces établissements officiellement prioritaires paraît
d’autant plus incompréhensible pour les personnels.
Selon nos informations, les rectorats se montreraient
en réalité prudents pour plusieurs raisons. Ils
anticipent qu’une partie des candidats recrutés lors de
ce concours très particulier, à cheval sur deux ans,
pourraient refuser d’être contractuels six heures par
semaine pour quelque 700 euros par mois afin de
préparer au mieux leurs épreuves d’oral mais aussi
leur master 2. Enfin, l’écart entre les inscrits et les
présents au concours est toujours important, d’autant
que cette année la hausse est partiellement en trompel’oeil
puisque les mêmes candidats ont pu s’inscrire
aux deux sessions.
Des ajustements sont prévus au mois de juin – en
fonction des chiffres réels – pour parer aux situations
les plus urgentes. Mais, comme l’a dit à maintes
reprises le ministre Vincent Peillon, l’éducation
nationale est le ministère « du temps long ». Certains
territoires devront donc, cette année encore, s’armer
de patience.

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